Au Ghana, Springfield Group veut se faire une place dans l’exploitation pétrolière

Première compagnie ghanéenne à avoir réalisé des forages en eau profonde, la société de Kevin Okyere a découvert un puits d’environ 1,5 milliard de barils.

Le long de la route George-Walker-Bush, au nord d’Accra, les sièges sociaux de grands groupes internationaux se succèdent. FedEx, Nestlé ou Turkish Airlines se sont installés dans ce quartier prisé de la capitale du Ghana, non loin de l’aéroport. Situés dans le même périmètre, les locaux de Springfield Group pourraient passer inaperçus. La société, fondée en 2006 par Kevin Okyere, a pourtant généré 1 milliard de dollars de revenus en 2019 (près de 900 millions d’euros). Elle souhaite aujourd’hui se faire une place sur le marché des hydrocarbures. « Si une compagnie ghanéenne comme la mienne est capable de le faire, cela envoie aux Africains le message que nos rêves sont sans limite », avance le patron de 39 ans.

Né à Kumasi, la deuxième ville du pays, Kevin Okyere est issu d’une famille d’entrepreneurs influents de la région. Il aurait pu faire carrière aux Etats-Unis, où il a étudié la comptabilité tout en jonglant entre des petits boulots d’agent de sécurité ou d’aide à des personnes souffrant d’un handicap mental, pour rembourser son prêt étudiant. Après l’obtention de son diplôme, une grande banque lui a proposé un contrat. « Mais j’ai décidé de retourner au pays, je voyais les Etats-Unis comme un marché mûr alors que tout restait à faire au Ghana », explique-t-il.

En 2004, Kevin Okyere crée Westland Alliance, une société de télécoms fournissant des services de routage d’appels internationaux. Mais l’expérience est de courte durée. « Il fallait renouveler le contrat chaque année, se souvient-il. Et si je voulais créer une société de téléphonie mobile, les fréquences coûtaient plusieurs centaines de millions de dollars. »

Alliance avec l’italien ENI

A l’époque, l’entrepreneur entend dire que les installations de stockage de produits pétroliers sont insuffisantes à Tema, une ville à l’est d’Accra où se trouve le plus grand port du Ghana. En 2006, à seulement 26 ans, il vend ses participations dans Westland Alliance pour lancer Springfield Group, une entreprise spécialisée à l’origine dans l’importation et le stockage de produits pétroliers. Le nom de la compagnie est celui de la ville où le Ghanéen a fait ses études aux Etats-Unis. En quelques années, l’entreprise se développe au Nigeria et dans la gestion de stations-service.

« Mais il fallait qu’on aille encore plus loin, je voulais qu’on se lance dans l’exploitation pétrolière, le sommet de la chaîne alimentaire dans notre industrie », dit Kevin Okyere. En 2012, Springfield Group se porte donc candidat pour gérer un bloc pétrolier de 673 km2 situé à une soixantaine de kilomètres des côtes ghanéennes. Quatre ans plus tard, l’entreprise remporte le lot. Le patron investit alors 70 millions de dollars pour réaliser des tests sur la zone. « Nous sommes la première compagnie ghanéenne à avoir réalisé des forages en eau profonde, à plus de 3 000 mètres de profondeur », s’enorgueillit-il.

Les premiers retours sont encourageants. Fin 2019, Springfield Group a découvert un puits d’environ 1,5 milliard de barils de pétrole et 700 milliards de pieds cubes de gaz. Un événement d’envergure alors que le Ghana, où les premières découvertes d’or noir datent de 2008, ne s’est lancé que récemment dans l’exploitation pétrolière. Aujourd’hui, le pays produit 195 000 barils par jour et espère porter sa production à 500 000 barils d’ici à 2025.

Allié pour l’occasion avec le géant italien ENI, Kevin Okyere espère débuter très prochainement l’exploitation. Les récentes incertitudes sur le marché pétrolier, dues à la crise du coronavirus et au ralentissement de l’activité mondiale, tempèrent-elles ses espérances ? « Le marché est cyclique et cela nous oblige à faire preuve d’imagination pour gérer ces puits de la manière la plus efficiente, affirme-t-il, conservant son optimisme. Notre projet est très important, cela montre aux grands groupes internationaux ce que des entreprises ghanéennes sont capables de faire. »

Dylan Gamba(Accra, correspondance)

Publications

View all publications